Un article paru dans QUE CHOISIR ……
A propos des DIVERS TARIFS D’INSCRIPTION sur les marathons
source QUE CHOISIR auteur Erwan SEZNEC
Enquête18 mars 2015
Marathons
Plus vite, plus haut, plus cher
Les droits d’inscription aux courses les plus prestigieuses, marathon de Paris en tête, ont pratiquement doublé en dix ans, sans raison valable.
Les sédentaires endurcis sont toujours ébahis de l’apprendre : pour souffrir pendant 42,195 km, il faut payer. Et de plus en plus. En 2004, un dossard pour le marathon de Paris allait de 40 à 60 € seulement (plus l’inscription est prise tôt, moins elle est chère). En 2015, la fourchette va de 65 à 110 €, pour une prestation inchangée. Le parcours est toujours superbe et l’organisation à la hauteur, mais n’y aurait-il pas de l’abus ?
Le marathon, « c’est 300 livres à Londres et 500 dollars à New York », rétorquait sur RMC, en 2013, Laurent Boquillet, consultant employé par l’organisateur, Amaury Sport Organisation (ASO). Problème, ses chiffres étaient faux. L’inscription au marathon de Londres démarre à 35 livres (47 €). Pour le marathon de New York 2015, l’inscription était à 221 dollars, soit 179 €. C’est plus cher qu’à Paris, certes, mais pourquoi s’aligner sur les États-Unis ? Il existe d’autres marathons en France, aux tarifs nettement plus raisonnables. Plébiscité par les participants, celui de La Rochelle serre les prix. Ils vont de 43 à 54 €. Même chose à Annecy, où l’inscription coûte 48 € pour un parcours splendide, entre lac et montagnes. Les pratiquants expérimentés préfèrent ces compétitions, qui rassemblent autour de 3 000 coureurs, au marathon de Paris où quelque 50 000 concurrents jouent des coudes dans les premiers kilomètres. Sans oublier qu’à La Rochelle, tous ceux qui franchissent la ligne repartent avec une bourriche d’huîtres.
On trouve encore moins cher que La Rochelle et Annecy. Couru fin avril, le marathon d’Albi démarre à 26 € pour ceux qui s’inscrivent avant janvier. Il est battu de justesse par le marathon de Saint-André-des-Eaux (254 habitants, Côtes-d’Armor), champion de France de la courbature bon marché : 25 € de frais d’inscription, camping gratuit pour les coureurs la veille de l’épreuve ! Les organisateurs l’admettent, la course de Saint-André est légèrement déficitaire. Elle tient grâce aux subventions des collectivités et à la recette de la fête du village organisée le même jour.
Des courses prestigieuses très rentables
L’association de Saint-André est néanmoins plus près de la vérité des prix qu’Amaury Sport Organisation. « Le coût d’une course, détaille Philippe Aubert, organisateur du marathon d’Albi, c’est 2 € de chronométrage, 2,50 € de ravitaillement, 4 € de T-shirt et 2 € de médaille souvenir par coureur. Ajoutez 2 500 € pour offrir un petit cadeau et une soirée repas à 400 bénévoles, 1 200 € de dédommagement pour l’association qui assure la sécurité, et vous avez bouclé votre budget. » La sonorisation de l’épreuve peut coûter quelques centaines d’euros ou plusieurs dizaines de milliers, mais c’est une option, au choix des organisateurs. Avec l’aide de quelques sponsors locaux, il est donc tout à fait possible d’organiser un 10 km pour une douzaine d’euros par participant. Un marathon avec puce électronique, prix aux vainqueurs, cadeau souvenir et massage des mollets endoloris à l’arrivée est viable dès 40 € d’inscription.
Conclusion logique, certaines courses sont très rentables. ASO ne publie pas de bilan détaillé, mais les chiffres qui circulent depuis 2013 à propos du marathon de Paris sont de trois millions d’euros de droits d’inscription, deux millions d’euros versés par les sponsors (le groupe Schneider en tête) et quelque 500 000 euros de recettes diverses. La marge brute serait de 25 %. Le 20 km Marseille-Cassis est probablement aussi rentable. Le dossard était à 22 € en 2004. Il est passé à 33 € en 2010 et à 40 € cette année. Deux euros du kilomètre ! La Parisienne fait encore plus fort. Créée par un ancien responsable du marathon de Paris, cette course réservée aux femmes coûte 40 € aux 5 000 premières inscrites et 50 € aux suivantes, pour 6,7 km seulement, soit 7,46 €/km. Quelques courses atypiques vont encore plus loin, comme la Color Run. 5 km pour 40 €, soit 8 € le kilomètre ! En dehors de son prix, l’épreuve a un autre point commun avec La Parisienne : une vocation caritative qui ressemble fort à un alibi (voir encadré).
Les organisateurs rétorqueront, à juste titre, qu’ils n’obligent personne à s’inscrire. Indéniable. Tous les ans, La Parisienne (40 000 dossards), le marathon et le semi-marathon de Paris (de 43 à 58 €) refusent des coureurs. « Ils profitent de l’enthousiasme des néophytes, analyse Philippe Aubert. Le niveau moyen du marathon de Paris est devenu le plus bas de France. Les pratiquants réguliers vont vers des épreuves moins chères. » Boycotter Paris ? Difficile. L’aspect psychologique compte énormément dans un marathon et celui-là fait rêver, à juste titre. On ne peut en dire autant du semi-marathon de Paris, dont le parcours est tout à fait quelconque et qui est deux fois plus cher que la moyenne. Idem pour le tout nouveau marathon de Bordeaux à 75 €, dont la seule originalité est d’être en nocturne. Il se court en avril, en même temps qu’Albi, trois fois moins cher.
Privilégiez les compétitions champêtres
Après tout, la course de fond consiste à s’économiser… Chaque week-end à la belle saison, des dizaines de courses sont organisées en France. Certaines sont plus abordables que d’autres. Le parcours de Marseille-Cassis est très joli, mais celui du semi-marathon de Provence n’est pas mal non plus. Les deux compétitions tombent en octobre et le dossard du semi-marathon de Provence coûte seulement de 14 à 27 €. L’écart avec Marseille-Cassis est modeste, certes, mais en participant à des courses moins chères et moins prestigieuses, vous soutenez aussi des bénévoles qui se dépensent sans compter pour faire vivre leur épreuve. Par ailleurs, l’ambiance familiale des compétitions de second rang est en général fort sympathique. Bien sûr, à Saint-André, le vainqueur n’empoche pas plus de 250 €, contre 30 000 € à Paris et 80 000 € à New-York. Mais si vous courez à moins de 20 km/h, ce n’est pas vraiment un point dont vous devez vous soucier.
Épreuves caritatives : La bonne cause ? Cours toujours…
Les organisateurs de la Parisienne ne reversent rien. Ceux de The Color Run (photo) cultivent l’opacité.
Sportive, colorée, musicale et caritative. La course dite The color run a tout pour séduire. Ou, quand on y regarde de plus près, pour agacer. La prochaine édition française se tiendra à Paris le 19 avril 2015. Distance, 5 km, parsemés de 4 « zones de couleur » où les concurrents sont aspergés de poudres colorées (sur le modèle de la fête traditionnelle hindouiste Holi). Le but est de franchir la ligne intégralement bariolé, sans souci du chronomètre. Tarif, 40 €, soit 8 € du kilomètre. Exorbitant, mais c’est pour la bonne cause. The color run reverse une partie des droits à des associations humanitaires. Quelle partie exactement ? Impossible de le savoir. L’entreprise organisatrice, basée dans l’Utah (États-Unis), ne publie pas de chiffres précis. Son site évoque seulement quelque « trois millions de dollars à des œuvres de charité depuis 2012 », soit un million par an, alors que l’entreprise affiche un chiffre d’affaires annuel largement supérieur à 50 millions de dollars. La presse américaine a vivement critiqué cet alibi caritatif, que le site français de The color run ne met plus en avant, à juste titre.
La course La Parisienne a aussi sa bonne cause. Elle donne pour la recherche sur le cancer du sein. Ou plus exactement, les participantes qui le souhaitent donnent 1 €, en achetant un ruban à porter pendant la course. Elles peuvent aussi verser 1 € en participant à des séances d’entraînement organisées par La Parisienne avant la course. Un peu plus de 100 000 € sont ainsi collectés chaque année. Les organisateurs, en revanche, ne font pas de dons sur les droits d’inscription, pourtant fort élevés : 40 € pour les 5 000 premières inscrites, 50 € pour les 35 000 suivantes.